Je zappe, d’une chaîne à l’autre, toujours confrontée aux mêmes nouvelles. Je peux presque suivre le fil du scoop du jour à la seconde près, en pitonnant assez rapidement.
Si peu de variété d’un téléjournal à l’autre… si peu de variété à l’heure de la mondialisation… Est-ce que les radios, les journaux, sont sommés de parler de la même chose, le même jour? Du même scandale, de la même guerre, du même livre, du même disque? Qui a établi cette règle?
En Espagne, à la fin du téléjournal de la chaîne Cuatro, le présentateur prend quelquefois la peine de faire un bref tour des nouvelles importantes parues dans les grands journaux de New York, Paris, Casablanca, New Delhi. Ce qui se passe là-bas, selon le point de vue des gens de là-bas. Voilà un petit effort qui fait grand bien!
Vous me direz: qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce qui se passe à New Delhi? Je vous parlerai de papillons, du froissement de leurs ailes. On ne peut plus rien isoler, à présent. Immigration, environnement, guerres, économie, sont des mots qui voyagent comme la pluie et le vent, ils emplissent tout l’espace et labourent les continents, sans égards aux frontières (invention aberrante, s’il en est une).
Je me balance doucement sous la surface bleue, dans les profondeurs marines, avec tous les autres. Toutes les autres nouvelles, tous les autres livres, toute la musique, toutes les guerres, les naissances et les morts dont on ne parlera pas ou si peu. Il y en a tellement!
Loin en haut, s’érige la pointe glacée de l’iceberg, flèche scintillante sous le soleil. Ici, ses rayons se font frileux. Et pourtant, le vaisseau voyage, parcourant de grandes distances. Sans bruit, sans remous, gigantesque cétacé dont on ne connaît que le minuscule aileron. Inquiétude.